Mehndi, un art qui défie le temps

Qui n’a jamais craqué pour un motif de mehndi ? Oser en mettre reste cependant une toute autre histoire, surtout pour ceux qui n’apprécient pas forcément son parfum âcre ou qui se retrouvent freinés par d’autres considérations. Et pourtant, au-delà de toutes ces barrières, le mehndi reste un art qui mérite d’être appliqué, tant il donne de l’allure

La préparation crémeuse du henné est en elle seule tout un art. En effet, elle débute en tamisant plusieurs fois la poudre de henné (de préférence fine, verte et odorante) à travers un foulard fin avant d’ajouter une certaine quantité d’eau tiède et du sucre afin d’obtenir un mélange fluide et homogène. Une préparation qui donnera par la suite au mélange une couleur rouille durant sa fermentation, ainsi qu’au cours d’une mise en contact avec des matières contenant de la kératine telles la peau, la soie ou la laine. La consistance pâteuse est ensuite introduite dans une douille pour permettre la pose facile de motifs, ou autre récipient dépendant de l’usage.

Aujourd’hui, le henné ou mehndi est essentiellement connu pour ses côtés esthétiques et artistiques car, qu’on le veuille ou non, il faut malheureusement bien l’avouer, ses significations et traditions culturelles transmises oralement de génération en génération ne semblent pas avoir survécu à la modernité du XXIe siècle. En fait, autrefois, le motif au henné n’était jamais réellement innocent : que ce soit en Inde, dans des pays arabes ou en Afrique, chaque motif de henné ou presque avait une signification bien précise. Dans ces régions où les femmes s’avancent souvent voilées, mains et pieds constituaient alors les seules parties visibles de leur corps. Elles se servaient donc du henné, réalisé par de vieilles femmes selon la tradition familiale ou celle du groupe ethnique, pour délivrer des messages parfois très coquins aux hommes, ou s’en servaient comme une barrière de protection contre les mauvais sorts et les démons.

Les motifs avaient, quant à eux, chacun une forte charge symbolique.Au Maroc, par exemple, les rosaces symbolisent souvent la vie, tandis que le point représente le centre, l’origine, le foyer. Le cercle, lui, signifie l’absolu et le ‘wafk’, carré magique, symbolise la stabilité. Au Pakistan, il est de coutume, pour les mariages, d’introduire dans le dessin les lettres du prénom de l’époux. La capacité de ce dernier à les retrouver ou non indiquera qui portera la culotte dans le mariage.

En Inde, où le henné est aussi bien une tradition musulmane qu’hindoue, certains symboles sont encore très vivaces. Quelques-uns sont religieux, d’autres sont partagés par les deux communautés. Ainsi, la fleur de mangue est une marque de félicité pour les deux communautés. Quant au lotus, il constitue sans doute l’un des symboles les plus connus d’Asie. Ses significations sont multiples. Il représente aussi bien la compassion que la pureté. Bref, rien à avoir avec l’uniformité des motifs d’aujourd’hui.

Même s’il est de plus en plus rare de retrouver des motifs de fleurs de mangue sur des catalogues de mehndi, ces tatouages éphémères ou fantaisies, comme on les appelle, ne sont pas près de disparaitre car ils restent très populaires en période estivale, même à Maurice. Les grandes tendances de cette année sont le ‘khaleeji’, le mandala et le ‘monglai’ pour celles qui souhaiteraient rester dans la tradition indienne et arabe, et, le mehndi aux motifs africains et le mascara mehndi pour celles qui désireraient être plus modernes, et le tout à bon prix, soit à partir de Rs 50. N’attendez plus donc, mesdames, pour vous faire encore plus belles et plaisir tout en gardant une petite touche mystérieuse quant au choix de votre motif. Car, oui, tout estdans le mehndi…

Un art qui s’apprend

L’application du mehndi ne se fait pas au petit bonheur. C’est une chose que MufidahPeeroo a compris. Au bout de ses études en Inde, il y a douze ans, a été fondé le Peeroo Institute of Mehendi, afin de permettre la transmission de cet art. « Les élèves viennent de différentes régions, et même d’autres pays comme la France, la Réunion, le Kenya… », nous explique RiaadPeeroo, qui est lui-même fabriquant de henné en pâte en cornets et dont le commerce en produits naturels se trouve à Port-Louis. Les cours se font sur une durée de quatre mois et les élèves reçoivent par la suite une attestation de présence. Durant cette période, une technique spécifique est enseignée, comme le TattooMehndi ou le Indian Design, notamment. MufidahPeeroo est aussi créatrice d’un style particulier, appelé ‘Liana Design’. « C’est important d’innover. Les Mauriciens sont constamment à la recherche de nouveautés ». Le Peeroo Institute of Mehndi a formé plus de 6 000 élèves à ce jour, qui étaient âgés de 9 à 60 ans.

Les mystères du tatouage éphémère

Le mehndi, ou harqûs (au Maghreb), désigne habituellement l’art du dessin fait au henné sur la peau. Le mehndi est un équivalent éphémère du tatouage. Il est encore ou était populairement utilisé dans divers pays arabo-musulmans (Maghreb en particulier) et dans certaines parties de l’Asie.

Au Bangladesh, au Cachemire et au Soudan, cette forme d’art corporel est utilisée lors des mariages pour les deux jeunes mariés. Au Rajasthan (Inde du nord-ouest), le mehndi est un art « folklorique », et il est courant que les femmes se fassent des dessins aussi raffinés que ceux des jeunes mariés. Dans le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie notamment), le henné faisait traditionnellement partie de l’arsenal de la séduction féminine, en compléments de tatouages définitifs (faits à l’aiguille et utilisant le bleu ergoté ou des encres noires), mais outre des fonctions esthétiques, il avait aussi des fonctions magiques et protectrices.

Le tatouage est dessiné en associant de nombreux signes traditionnels protecteurs, magiques ou prophylactiques, formant ou non des idéogrammes ou des signes pictographiques, plus ou moins symboliques, souvent appliqués par des vieilles femmes, selon une tradition familiale et d’appartenance à un groupe ethnique. Il peut potentiellement être appliqué sur tout le corps et aujourd’hui plus souvent sur les pieds et les mains (sous forme de tatouage traditionnel et de plus en plus sous forme de tatouage de fantaisie plus ou moins complexe.

Le temps de contact avec la peau influant sur la tenue, la pâte est souvent laissée jusqu’à 6 heures avant d’être enlevée. Pour accroître la pénétration du colorant, le tatoué évite de se laver durant encore plusieurs heures si cela est possible. Il persistera de quelques jours à deux semaines selon le temps séchage et selon la nature de la peau (la transpiration ou la chaleur favorise la décoloration), le rouge-brun évoluant vers l’orange avant de disparaitre.

La pose du henné ne présente aucun risque pour la santé quand celui-ci est nature, mais les dermatologues observent un nombre croissant de réactions allergiques graves quand le henné n’est pas naturel ou mélangé à des colorants artificiels.

Capital Media

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