« Africain, prends-toi en main… ». L’avenir de l’Afrique ne repose pas entre ses mains. La plupart des pays du Continent Noir sont forcés de céder au libre marché laissant ainsi exploiter leurs ressources ; les multinationales s’enrichissent elles, à n’en plus finir. Toutefois, ce« néo-colonialisme » est peut-être une aubaine pour l’Afrique, si tant est qu’elle ose s’affranchir de certains modèles de « développement »
Dix ans après la parution de « L’Empire de la Honte » de Jean Ziegler, rien n’a changé. L’ancien patron du Programme Alimentaire Mondial démontrait que, pour soumettre les peuples de l’Hémisphère Sud, l’Occident usait de deux armes de destruction massive : la dette et la faim ! Alors qu’en Afrique sub-saharienne, une personne sur trois souffre de faim chronique, un tiers de la production alimentaire mondiale finit à la poubelle ! Si seulement les Africains avaient de quoi s’acheter ces « miettes »… Cette situation profite évidemment aux pays développés qui se distribuent l’économie africaine comme s’il s’agissait d’un vulgaire gâteau. Pour faire bonne mesure, le discours onusien sur la question adopte de nouvelles circonvolutions pour se conformer aux bons usages diplomatiques.
Investissements étrangers
“L’Afrique a besoin d’une industrialisation propre, respectueuse de l’environnement, qui tourne le dos aux procédés périmés et polluants au profit de technologies nouvelles. L’industrialisation inclusive et durable est une étape cruciale de la croissance économique, de la sécurité alimentaire et de l’élimination de la pauvreté en Afrique », déclarait Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, en 2014 lors de son message pour la journée de l’industrialisation de l’Afrique. Si ces propos semblent évidents pour certains, force est de constater que malgré cette industrialisation africaine perpétuellement annoncée depuis des années, la situation économique des Africains s’améliore à une vitesse qui ne correspond pas à sa croissance démographique. Pourquoi ?
D’abord, l’Afrique dépend vitalement des investissements étrangers : aucun pays africain n’est assez économiquement développé pour aider ses voisins. La Libye voulait remplir ce rôle, mais la mégalomanie de Kadhafi autant que les veuleries de certains dirigeants occidentaux auront compromis ces perspectives. En deuxième lieu, il y a le fait que la Terre produit certes assez pour tout le monde mais, pour qui produiraient les nouvelles industries africaines ? Certains diront pour les Africains évidemment ; mais, sont-ils capables de consommer ce que leur proposeront leurs industries ?
La valeur sûre du marché mondiale reste l’agro-alimentaire qui requiert un minimum d’industrialisation. Dans la situation africaine générale, il serait certainement judicieux de penser à une Afrique développée autrement, en d’autres mots, à l’africaine. « Loin de “démarrer”, l’Afrique sub-saharienne revient au contraire au XVIIIe siècle et à l’économie de comptoir (pétroliers ou miniers), qui enrichit une poignée d’Africains pendant que l’immense majorité de la population tente de simplement survivre. Ce grand bond en arrière est illustré par un retour à la traite humaine à travers l’émigration qui se fait vers l’Europe sous forme d’immigration “choisie” ou subie », nous explique l’africaniste et économiste français Bernard Lugan.
Ce dernier propose une porte de sortie : « Les Africains peuvent se tourner vers l’avenir, mais en écartant préalablement les docteurs du développement qui n’ont cessé de les malmener depuis les indépendances ». L’Afrique a une chance : le « raccourci technologique ».Dans son malheur, sa chance est, en effet, immense ; comme le fut celle de l’Allemagne en 1945 après que les « libérateurs » américains eurent rasé, sous leurs bombes « démocratiques », une industrie vieillissante, ce qui permit de reconstruire une industrie moderne.
L’avenir étant aux nouvelles technologies, et l’Afrique n’étant pas engluée dans des industries obsolètes, elle est donc libre de “faire son marché” et d’aller prendre dans le monde dit « développé », les expériences qui peuvent lui être profitables.
Elle va ainsi pouvoir s’épargner l’étape du tout industriel pour se tourner directement vers les technologies d’avenir. Sauf, si elle écoute ces « spécialistes » du développement qui lui conseillent de refaire ce que d’autres ont fait avant elle. L’Afrique gagnerait, en effet, à tourner le dos aux modèles obsolètes de développement que des idéologues ou des “carpetbaggers” sans scrupules cherchent à lui vendre.