Alors que tout porte à croire que le projet Heritage City est mort et enterré, tel est loin d’être le cas. La résurrection du projet va bientôt avoir lieu. Le temps de dépoussiérer un dossier cher au Grand Argentier et d’apporter les ajustements nécessaires, le pays connaîtra une nouvelle course contre la folie.
Pour mieux comprendre la situation, il faut remonter le temps. Plus précisément à avril 2005. Lors de la présentation de son deuxième budget, le 4 avril 2005, Pravind Jugnauth mettait en avant son ambition de créer une nouvelle ville afin de décongestionner la capitale.
« To decentralise Port Louis, we will make maximum use of the 3,035 arpents of land at Highlands, purchased under the Illovo Deal. These lands will be developed in two phases. Phase one will be implemented over the next 10 years. It will use up to 1,000 arpents for a number of new projects, amongst others, business parks, office buildings and residential construction ». Dans ses déclarations et ses discours, il multipliait les arguments en faveur de ce projet qui, pour reprendre ses propres termes, serait « un héritage » aux générations futures. On retrouve dans les grandes lignes du projet Heritage City, toutes les composantes du Highlands City
Six ans après son grand oral, Pravind Jugnauth était revenu aux commandes des caisses publiques et dans son discours budgétaire prononcé le 18 novembre 2011, il citait plusieurs projets qu’il souhaitait réaliser avec l’alliance gouvernementale composée du PTr, du PMSD et du MSM. Entre autres, les mégaprojets de Les Salines, Ring-Road, Harbour Bridge, le pont A1-M1, la route Terre Rouge-Verdun, le Rapid Transit System, la modernisation du port et de l’aéroport et le fameux ‘trading hub’ de Jin Fei. Le tout nécessitant des investissements de plus de Rs 250 milliards au cours de la prochaine décennie. Mais le projet dont Pravind Jugnauth tient à cœur va occuper la première place de ce budget: « One of the most powerful engines to propel Mauritius on the modern development path and to support the great leap forward on productivity is its physical fabrics. Our country has the most ambitious infrastructure plan in its history. This includes the… Highlands project ».
Le 23 mars 2015, le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, fait mention du projet Highlands comme étant parmi les nombreuses Smart Cities qui vont champignonner dans le pays. Ce dernier se rend même à Singapour en compagnie de son inséparable ami d’alors, Roshi Bhadain, et et de l’énigmatique Dev Manraj pour trouver les fonds nécessaires à la réalisation de ce projet. Mais loin des discours fracassants lors de leur retour au pays, il s’avère que le ministre des Finances singapourien Tharman Shanmugaratnam n’est guère impressionné par le projet.
L’obstination à réaliser le projet Highlands se reflète dans le document officiel soumis au Parlement, ‘Public Sector Investment Programme Jan-Jun 2015 & 2015-16 – 2019-20’, dans lequel on retrouve, en pole position… Highlands City. « Projects in the pipeline: The PSIP also accounts for major infrastructure projects that are at preparatory stage and for which financing is yet to be secured. These include: Highlands City comprising Government administrative buildings with modern Infrastructure ».
Un petit détail qui va faire un grand changement
Au cours de ces quinze derniers mois, Roshi Bhadain n’a cessé de nous répéter que Heritage City s’étendra sur 336 arpents dans la région de Minissy à Moka, non loin de l’hôpital privé Omega Ark Hospital (anciennement Apollo Bramwell). D’ailleurs, c’est le site choisi pour héberger la ville dont l’idée de départ était de faire un monument spectaculaire pour rendre hommage à Sir Anerood Jugnauth. Mais dans le ‘Public Sector Investment Investment Programme 2016/2017–2021’, on note: « The Heritage City will be constructed at Highlands ». Le plan affichant la répartition des projets à travers l’île indique que Heritage City sera dans le district des Plaines-Wilhems et non Moka.
Mais la toute dernière preuve se trouve dans la déclaration publique faite aux journalistes dimanche 7 août Dagotiere. Une phrase lourde de sens qui a échappé à tout le monde… ou presque. Face à une question d’une journaliste sur le sort de la ville administrative, Pravind Jugnauth insiste que la décision du conseil des ministres se limite à Heritage City. Un aveu qui risque fort bien de freiner l’euphorie de ces milliers de citoyens pour qui ce projet était un non-sens.
Bagatelle Dam
Dans le budget 2005-2006, Pravind Jugnauth avait annoncé: « The Bagatelle Dam for which land has been reserved at Highlands will be an important infrastructure to address the problem of water supply in the region of Port Louis ». Ce qui explique donc que la décision de construire le barrage à cet endroit avait déjà été prise à cette époque.
A savoir aussi que le projet de Bagatelle Dam remonte à 1985 et le gouvernement de SAJ faisait face à un dilemme cornélien ; il fallait choisir entre la construction du barrage de Midlands et celui de Bagatelle. Dans les coulisses du pouvoir, on était au courant que les études géologiques avaient mis au jour des craintes sur la construction du barrage de Bagatelle. En fait, selon certains experts, il y a plus de risques que l’eau soit aspirée par le fond que d’un quelconque débordement.
Le fond de l’histoire
La question que l’on se pose, c’est évidemment pourquoi toute cette euphorie autour de ce projet pour ensuite l’euthanasier ? Le désaveu du projet de Bhadain se situe sans aucun doute dans une logique de règlement de compte politique et c’est bien loin d’être fini. Avant de parler d’Heritage, il faut certainement que l’héritier s’affirme. Capital vous révèlera bientôt, sans peur, les dessous de cette histoire et bien d’autres. Comme avant-goût, les amateurs de séries télévisées se souviendront du film de Russell Mulcahy, ‘Highlander’ qui met en scène différents clans d’immortels qui s’affrontent pour le pouvoir absolu. La seule voie, c’est la décapitation de l’ennemi et comme le résume bien le générique du film, « There can be only one ».