Les jours avancent à grands pas et, très bientôt, 2016 tirera sa révérence. L’année écoulée aura eu le mérite de nous rappeler la vulnérabilité de notre monde ainsi que l’incertitude grandissante qui le caractérise. Nous évoluons, en effet, dans un monde où ne pouvons éluder les changements incessants qui remettent en question nos pratiques, défient nos croyances, détruisent nos habitudes, réinventent notre environnement et bouleversent nos existences.
Face aux enjeux d’un tel monde, Maurice ne semble guère se préoccuper de son avenir à long terme. Les discours et les rapports s’enchaînent, certes, pour mieux définir l’île Maurice de demain mais les actions concrètes pour jeter les bases d’un renouveau sont trop silencieuses voire invisibles. Au cours de la dernière décennie, notre pays s’est enlisé dans les manœuvres politiciennes. Par ailleurs, les actions des lobbies divers et l’apathie de notre population contribuent à brider les espoirs d’un renouveau.
Mois après mois, année après année, notre pays perd un peu plus de la superbe qui avait fait d’elle une référence à travers le monde en matière de développement.
Maurice se situe à la 53ème position dans le classement « Global Innovation Index 2016» publié conjointement par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), l’Université de Cornell et l’INSEAD. Elle arrive au 76ème rang sur 130 pays selon l’indice 2016 du capital humain réalisé par le World Economic Forum. De plus, le 26 octobre dernier, Maurice découvrait, ébahie, sa dégringolade dans le nouveau classement « Ease of Doing Business » établi par la Banque Mondiale. Classée 17ème au niveau mondial en 2010, notre pays occupe désormais la peu envieuse 49ème position. Quels que soient les arguments évoqués – à tort ou à raison – pour justifier cette contre-performance, l’épisode « Ease of Doing Business » est un révélateur de cette inconscience qui sclérose notre pays et le mène lentement mais sûrement vers les abysses.
Il n’est un secret pour personne que les ambitions affichées de notre pays, dont celle d’intégrer le club des pays développés d’ici 2025, ne pourront se réaliser sans la refonte du modèle économique actuel. Des réformes structurelles audacieuses et urgentes menées par un leadership visionnaire et volontariste sont, en effet, essentielles pour tracer la voie d’un développement soutenu et soutenable. Néanmoins, cette voie semble, pour l’instant, distante.
Cédric Villani, mathématicien, directeur de l’Institut Henri-Poincaré en France et lauréat de la médaille Fields 2010 (la plus prestigieuse distinction mondiale en mathématiques), estime que le décloisonnement et la transgression sont aux fondements même des « progrès technologiques les plus spectaculaires ». Cédric Villani définit le décloisonnement comme le retrait des murs et des cloisons dans une approche constructive. La transgression consisterait, elle, à « envoyer en éclats » les règles et les idées reçues afin de montrer que la réalité vraie est « complètement différente» de la réalité perçue et acceptée. En outre, le scientifique français, Idriss Aberkane, affirme que toute idée révolutionnaire passe par trois phases. Elle est d’abord « considérée comme ridicule, puis comme dangereuse, puis comme évidente ».
Le décollage économique de Maurice dans les années 80 a été rendu possible grâce à la vision et aux actions transgressives et révolutionnaires d’un groupe brillant et dévoué de politiques, de fonctionnaires et d’entrepreneurs soutenu par une population avide de progrès. Des politiques, des fonctionnaires, des entrepreneurs et une population qui ont su transcender les contraintes et obstacles de leur époque, faire fi de leurs détracteurs et défier les prévisions sombres d’experts internationaux. Maurice a su, à cette époque, se décloisonner et s’ouvrir vers l’extérieur en incitant les expertises étrangères, notamment dans l’industrie textile, à venir s’exprimer sur son sol.
Alors même que l’année 2017 s’annonce. Alors même que jour après jour, le 21ème siècle se confirme comme un siècle de changements sans précédents portés par le savoir et les innovations technologiques. Alors même que le centre de gravité de l’économie mondiale se déplace résolument vers l’Est et que de nombreux pays en voie de développement, notamment ceux du continent africain voisin, émergent. Maurice se doit de permettre l’éclosion et l’expression d’une nouvelle génération de Mauriciennes et de Mauriciens capables de transgresser et de révolutionner les réalités actuelles, tant aux niveaux de la politique, de l’administration publique que du monde entrepreneurial, afin de façonner une île Maurice nouvelle qui soit au service de tous. Une île Maurice qui soit au diapason de cette ère nouvelle.
Les gloires et les recettes passées doivent, en effet, savoir laisser place. La population dans son ensemble doit, pour cela, assumer pleinement ses responsabilités dans la réalisation de cette transition si critique à son futur et au futur du pays.