Soualiou Fadiga dévoile les perspectives des SGI de la sous-région

(Agence Ecofin) – Dans cette interview accordée en marge des rencontres du marché des titres publics qui s’est déroulé récemment à Cotonou au Benin, Soualiou Fadiga, Directeur Exécutif de l’association des SGI de l’UEMOA, souligne l’importance de diversifier les produits financiers pour approfondir le marché, y compris via la finance islamique et durable, répondant ainsi aux besoins d’innovation et d’adaptabilité du secteur. 

Agence Ecofin : Avant de nous plonger dans les aspects techniques de votre intervention, pourriez-vous nous éclairer sur la nature de cette association professionnelle ? Quels en sont les membres et quel rôle jouent-ils au sein de l’écosystème financier ?

Soualiou Fadiga : Merci, Idriss, pour cette question qui me donne l’occasion de parler de notre association, l’APSGI UEMOA, une entité regroupant 35 membres actifs répartis à travers tous les pays de l’Union, à l’exception de la Guinée-Bissau. Notre association se compose principalement de Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI), avec une présence significative en Côte d’Ivoire où nous comptons 16 membres, suivie du Sénégal avec 6 membres, du Bénin avec 5, puis du Burkina Faso et du Mali avec 3 membres chacun, et enfin, une SGI au Niger et une autre au Togo, ce qui totalise les 35 membres. Ces SGI, acteurs majeurs du marché financier, assument un double rôle crucial : elles facilitent pour les émetteurs, qu’ils soient états ou entreprises, l’accès au marché financier pour la levée de capitaux, et d’autre part, elles assistent les investisseurs dans la réalisation de leurs placements sur ce même marché. En ce sens, elles agissent à la fois comme courtiers et banques d’investissement, jouant un rôle pivot dans le dynamisme et la fluidité des échanges sur le marché financier. Depuis la création du marché en 1997, notre nombre a graduellement augmenté, passant de 14 à 35 SGI, avec une accélération notable de cette croissance depuis 2015. Cette évolution témoigne de la vitalité et de l’expansion continue de notre secteur. 

Agence Ecofin : Une perception courante parmi le grand public est que l’investissement financier se limite souvent aux banques, négligeant ainsi le rôle des Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI). Pourriez-vous nous expliquer comment le grand public, moins familiarisé avec le secteur financier, peut s’approcher d’une SGI ? Est-ce nécessaire de passer par votre association, ou peut-on contacter directement ces sociétés ? De plus, où peut-on trouver les SGI au sein de l’UEMOA ?

Soualiou Fadiga : Effectivement, il y a une idée reçue selon laquelle les banques sont les seules portes d’entrée vers l’investissement financier. Or, le marché financier, établi par l’Union en 1996 et opérationnel dès 1998, a été conçu pour offrir une alternative au financement bancaire traditionnel. L’objectif était de diversifier les sources de financement au sein de l’UEMOA en facilitant l’accès à des moyens de financement via des intermédiaires non bancaires, notamment les SGI. Ces dernières jouent un rôle essentiel pour toute personne désirant investir sur le marché financier, sans pour autant passer par une banque.

Il est important de souligner que pour investir via une SGI, il n’est pas nécessaire de passer par l’association que je représente. Notre rôle n’est pas de faire l’intermédiaire entre les investisseurs et les SGI. Les intéressés doivent contacter directement les SGI. Comme mentionné précédemment, ces sociétés sont réparties dans tous les pays membres de l’UEMOA, à l’exception de la Guinée-Bissau. Que vous résidiez en Côte d’Ivoire, au Togo, ou dans n’importe quel autre pays de l’Union, vous pouvez choisir et contacter une SGI dans n’importe lequel des sept pays membres. Cette flexibilité illustre la vision d’unité et d’intégration financière portée par l’UEMOA, permettant ainsi une plus grande liberté et une meilleure accessibilité pour les investisseurs potentiels. 

Agence Ecofin : Lors de ces rencontres du marché des titres publics organisées par UMOA-Titres, il a été annoncé que plus de 7000 milliards de FCFA ont été mobilisés en 2023, en particulier par les États, sur ce marché des capitaux, marquant un record inédit par rapport aux cinq dernières années. Quel a été le rôle spécifique des Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI) dans cette dynamique de marché, et quelle part ont-elles prise dans cette mobilisation record ?

Soualiou Fadiga : Effectivement, les rencontres d’UMOA-Titres mettent en lumière un succès remarquable avec la mobilisation de plus de 7000 milliards de FCFA en 2023, un chiffre record pour notre marché des capitaux. Ce marché, l’un des deux piliers du marché de capitaux de l’UEMOA, orchestré par l’agence UMOA-Titres, se concentre exclusivement sur les émissions de titres publics par les États souverains. À côté, le marché géré par l’AMF et la BRVM regroupe les émissions des États ainsi que celles des entreprises du secteur privé et d’autres institutions.

Dans ce contexte, les SGI jouent un rôle prépondérant. Elles agissent principalement comme intermédiaires pour les investisseurs désireux d’acquérir des titres, en rassemblant et consolidant leurs offres pour participer aux adjudications.

« Elles agissent principalement comme intermédiaires pour les investisseurs désireux d’acquérir des titres, en rassemblant et consolidant leurs offres pour participer aux adjudications. »

En outre, les SGI investissent également pour leur propre compte. Bien qu’il soit difficile de préciser exactement quelle portion des 7000 milliards de FCFA mobilisés l’a été via les SGI ou directement par les banques, il est important de souligner que les SGI ont été des acteurs clés, surtout sur le marché secondaire, où près de 2000 milliards de FCFA en transactions ont été réalisés.

Le marché secondaire, organisé également par UMOA-Titres, est essentiellement un marché de gré à gré, où les transactions se font directement entre parties sans plateforme centralisée, facilitant ainsi les échanges entre les différentes entités financières, y compris les banques qui possèdent souvent une filiale SGI. Cette dynamique souligne l’importance des SGI dans la fluidité et l’efficacité des transactions financières au sein de l’UEMOA, contribuant de manière significative à la vitalité du marché des titres publics. 

Agence Ecofin : Lors des récentes rencontres à Cotonou, l’annonce de l’implémentation prochaine d’une plateforme d’intermédiation et de transactions pour le marché des titres secondaires par UMOA-Titres a été un sujet majeur. Quel impact cette innovation pourrait-elle avoir sur les transactions gérées par les Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI) ? Quelle est votre perception de cette plateforme et comment l’accueillez-vous ?

Soualiou Fadiga : La création d’une plateforme dédiée aux opérations sur le marché secondaire représente une avancée majeure pour l’écosystème financier de l’UEMOA. Son principal atout réside dans l’accroissement de la transparence sur le marché. Actuellement, bien que les transactions puissent se dérouler de manière gré à gré, l’introduction de cette plateforme permettra de centraliser et de rendre visibles ces opérations à tous les acteurs du marché. Cela offre aux participants la possibilité d’ajuster plus précisément leurs offres en fonction des informations disponibles, favorisant ainsi une plus grande efficacité et fluidité dans les échanges. 

« Nous anticipons que cette plateforme contribuera significativement à l’expansion et à la vitalité du marché des titres secondaires, en offrant un cadre structuré et transparent pour les transactions. »

Cette innovation est perçue très positivement. Elle est vue comme un levier qui va non seulement dynamiser le marché secondaire mais également renforcer la confiance des investisseurs grâce à une meilleure accessibilité et compréhension des mouvements de marché. L’accueil de cette initiative par les SGI, et plus largement par l’ensemble des acteurs de marché, est donc très enthousiaste. Nous anticipons que cette plateforme contribuera significativement à l’expansion et à la vitalité du marché des titres secondaires, en offrant un cadre structuré et transparent pour les transactions. C’est une évolution qui, nous le croyons, bénéficiera à tous les participants du marché en facilitant les investissements et en soutenant le développement du secteur financier régional. 


Agence Ecofin : Malgré la mise en place d’une plateforme offrant plus de transparence, le défi reste de mobiliser les investisseurs, notamment ceux disposant d’épargnes à investir via les Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI). Quelle est, selon votre association, la stratégie adoptée par les SGI pour attirer les épargnes et ne pas se limiter aux interactions avec les banques ? Comment travaillez-vous à élargir votre base d’investisseurs ?

Soualiou Fadiga : Élargir notre base d’investisseurs est effectivement un enjeu crucial pour nous, dans un contexte où les banques représentent actuellement 90% des investisseurs sur le marché obligataire, les institutions telles que les caisses de retraite et les assurances constituant les 10% restants. Il est important de noter que, bien que les personnes physiques ne participent pas directement au marché obligataire, les fonds qu’elles épargnent alimentent le marché via ces institutions.

La stratégie pour captiver davantage d’épargne individuelle ne repose pas uniquement sur les relations avec les banques. Nous envisageons sérieusement le développement et la promotion des placements collectifs, tels que les fonds communs de placement. Ces véhicules d’investissement offrent une opportunité accessible et moins risquée pour les épargnants individuels de contribuer au marché financier.

« Nous envisageons sérieusement le développement et la promotion des placements collectifs, tels que les fonds communs de placement. »

L’approche de notre association et de ses membres vise donc à démocratiser l’accès au marché des capitaux, en éduquant et en informant le grand public sur les avantages et les opportunités offertes par les fonds communs de placement et autres instruments d’investissement collectif. En rendant ces options d’investissement plus visibles et compréhensibles pour le grand public, nous travaillons à diversifier et à élargir notre base d’investisseurs, au-delà des acteurs institutionnels traditionnels. Cette démarche s’inscrit dans une vision à long terme, visant à renforcer la robustesse et la profondeur du marché financier régional en facilitant l’inclusion financière et en mobilisant l’épargne des ménages pour le financement du développement économique de l’UEMOA.

Agence Ecofin : L’appel à réformer l’environnement réglementaire pour favoriser une participation plus large aux investissements sur les titres publics a été un sujet de discussion important. Les investisseurs institutionnels sont actuellement régis par des réglementations régionales, tandis que les caisses de dépôts sont soumises à des lois nationales, laissant dans l’ombre la manière d’attirer l’épargne individuelle dans le système. Quelles seraient, selon vous, les priorités à présenter aux États pour améliorer l’engagement des individus et des PME dans le marché financier ?

Soualiou Fadiga : Pour renforcer l’attrait du marché financier auprès du grand public, y compris les personnes physiques et les PME, plusieurs étapes clés sont indispensables. La première concerne la nécessité de démystifier le marché des capitaux, un domaine technique et complexe qui requiert un certain niveau de connaissances et de compétences. Une formation ciblée et accessible est essentielle pour éduquer les potentiels investisseurs sur les mécanismes et les opportunités du marché.

Un autre axe de réforme concerne la gestion des retraites, avec un accent sur le système de capitalisation, qui peut être un levier efficace pour la collecte de ressources à long terme. Ce système présente l’avantage de mobiliser l’épargne de ceux qui ne sont pas nécessairement intégrés dans le secteur formel ou qui ne bénéficient pas de salaires de la part du secteur public ou des grandes entreprises. Il s’agit de reconnaître que, contrairement à une idée reçue, le problème en Afrique n’est pas l’absence d’épargne, mais plutôt le fait que notre épargne n’est pas suffisamment canalisée vers les instruments financiers. L’épargne se matérialise souvent dans l’immobilier, l’agriculture, ou d’autres actifs hors du système financier.

« Il s’agit de reconnaître que, contrairement à une idée reçue, le problème en Afrique n’est pas l’absence d’épargne, mais plutôt le fait que notre épargne n’est pas suffisamment canalisée vers les instruments financiers. »

La réforme doit donc viser à ‘financiariser’ cette épargne, en trouvant des mécanismes innovants pour intégrer ces ressources dans le marché financier. Cela nécessite une ingéniosité particulière pour capter l’épargne existante et la rediriger vers des instruments qui contribuent à l’économie formelle. En résumé, les priorités devraient inclure la formation et l’éducation financière, la réforme de la gestion des retraites vers un modèle de capitalisation, et l’innovation dans les mécanismes de collecte de l’épargne, afin de rendre le marché des capitaux plus accessible et attractif pour un plus grand nombre d’investisseurs. 

Agence Ecofin : L’innovation et l’adaptabilité des sociétés de gestion, d’investissement et d’intermédiation sont essentielles pour capter l’épargne et répondre aux besoins du marché. Vous avez personnellement contribué à l’élaboration d’un programme de formation avec UMOA-Titres. Pensez-vous que ce mécanisme adresse une part significative du défi à relever ?

Soualiou Fadiga : Absolument, le programme de formation mis en place par UMOA-Titres est une initiative clé pour approfondir la compréhension du marché obligataire et faciliter l’accès au marché des titres publics pour un plus grand nombre de personnes. Cette formation vise à cultiver une nouvelle génération de professionnels équipés pour naviguer et intervenir efficacement sur le marché financier, contribuant ainsi à sa démocratisation.

Ce programme est particulièrement précieux car il est sanctionné par une certification reconnue tant au niveau local qu’international. Cette reconnaissance est d’autant plus renforcée par le partenariat avec le Charter Institute of Securities and Investments (CISI), basé à Londres, qui est une référence mondiale dans le domaine de la formation en investissement et sécurité financière.

Ce n’est pas la seule initiative visant à enrichir les compétences sur le marché financier. Notre association a également lancé un programme de certification, et une autre initiative en collaboration avec l’AMF est prévue pour cette année. Ce dernier programme ambitionne de couvrir non seulement le marché obligataire mais également l’ensemble des activités du marché financier. Ces initiatives constituent des réponses concrètes au besoin d’ingéniosité et d’adaptabilité dans le secteur, en fournissant les outils nécessaires pour que les professionnels puissent innover, s’adapter et répondre aux évolutions du marché.

Agence Ecofin : Au-delà des réformes réglementaires et des avancées technologiques comme les plateformes de cotation électronique, le secteur financier de l’UEMOA envisage de diversifier son offre de produits, incluant des obligations indexées à l’inflation, des obligations thématiques liées au développement durable, des produits de finance islamique, et même l’expansion de la portée des SGI pour permettre des placements transfrontaliers, comme de la Côte d’Ivoire vers le Nigeria, l’Égypte, ou le Maroc. Comment les SGI perçoivent-elles ces opportunités naissantes ? Comment vous préparez-vous à maximiser ces nouvelles avenues sans laisser le champ libre aux grandes structures internationales qui pourraient dominer ces évolutions, comme cela a été observé dans le secteur bancaire ?

Soualiou Fadiga : La diversification des produits financiers est une réponse directe au besoin d’approfondir notre marché. Nous constatons une croissance remarquable dans le secteur obligataire, mais le marché des actions reste relativement modeste, avec un nombre limité de sociétés cotées. Cette situation appelle une expansion du spectre des produits disponibles pour attirer un plus grand nombre d’investisseurs et enrichir notre marché.

La diversification ne se limite pas à l’introduction de nouveaux produits ; elle implique également la création d’un environnement réglementaire et d’un écosystème financier adaptés aux besoins divers des investisseurs, y compris ceux qui suivent les principes de la finance islamique ou qui sont attirés par des investissements durables et verts.

Nous, au sein des SGI, accueillons ces initiatives avec enthousiasme et nous nous engageons activement dans la préparation pour tirer pleinement parti de ces opportunités. Cela implique de développer des compétences internes, d’innover dans nos offres et de collaborer étroitement avec les régulateurs pour s’assurer que le cadre législatif et réglementaire soutienne ces innovations. De plus, nous mettons l’accent sur l’éducation financière de nos clients et sur la sensibilisation aux nouveaux produits pour garantir leur adoption.

Face à la concurrence internationale, notre stratégie repose sur la valorisation de notre connaissance approfondie du marché local, notre flexibilité et notre capacité à innover rapidement. En mettant en œuvre des stratégies ciblées et en exploitant nos avantages concurrentiels intrinsèques, nous nous positionnons non seulement pour rivaliser efficacement mais aussi pour diriger le développement de ces nouvelles frontières financières au sein de notre région.

Propos recueillis par Idriss Linge.

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by : Agence Ecofin

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