(Agence Ecofin) – Une perte record pour le groupe nigérian Dangote Cement sur son marché panafricain met en évidence les défis d’expansion des capitaines d’industrie de la région, et finalement l’urgence d’une véritable intégration des marchés sur le continent.

L’information est passée presque inaperçue, mais Dangote Cement, le groupe cimentier nigérian fondé par le milliardaire et l’homme le plus riche d’Afrique Aliko Dangote, a déclaré une perte record de 111,5 milliards de nairas (249 millions $) sur ses activités en Afrique hors Nigeria pour le compte de son exercice 2022.

Selon les informations collectées par l’Agence Ecofin, le chiffre d’affaires panafricain du groupe sur la période a pourtant battu tous les records des cinq précédentes années, atteignant les 414,8 milliards de nairas (environ 925 millions $ au taux de change officiel). Dans l’ensemble, il affiche une solide progression moyenne de 12,7% par an depuis 2017. Mais c’est presque la seule bonne nouvelle.

En fait, le rythme de progression du chiffre d’affaires de Dangote Cement a ralenti ces dernières années, passant de 24,7% en 2021 à 4,4% en 2022. Cela suggère que l’entreprise pourrait faire face à une concurrence croissante ou à une saturation sur certains marchés africains. Aussi, l’entreprise a dû faire face à des charges financières inédites, qui ont atteint l’équivalent de 390 millions $ en 2022.

Aucune explication n’est donnée à ce propos, mais il n’est pas exclu que cela soit le fait de la dépréciation des taux de change dans la totalité des pays africains où Dangote a ses principales activités. Au fil des ans, le groupe a reconnu cette perte constante que représentent ses activités africaines. Il semblerait cependant que cela soit le fait de certaines filiales, dans lesquelles la société est contrainte d’injecter des financements qui ont atteint plus de 250 milliards de nairas en 2022.

La répartition des pertes et profits par filiale panafricaine n’est pas connue, car l’entreprise ne fournit pas ce niveau de détail des informations. Mais une analyse globale permet de dire que la concurrence avec le géant franco-suisse Lafarge/Holcim sur le continent est loin d’être gagnée. Ce dernier a déclaré 2,4 milliards de francs suisses (2,6 milliards $) de chiffre d’affaires pour 2022, sur une zone Afrique et Moyen-Orient, où les marchés africains (notamment Afrique du Nord et australe) dominent à plus de 80 %.

Ce cas illustre parfaitement l’urgente nécessité d’accélérer l’intégration régionale des marchés africains, avec une ouverture rapide des frontières, ainsi que la mise en place d’un système régional de paiement et de gestion des transactions financières. Bien que l’essentiel du ciment produit par Dangote soit avec de la matière première africaine, l’acheminement des produits reste complexe, de même que la gestion des paiements et autres frais.

Cela ouvre aussi des perspectives sur la capacité de réussite du projet de méga raffinerie en cours de finalisation par Dangote Industries. Les défis comparables que connait le marché du ciment pourraient se répercuter sur ce secteur. En attendant, Dangote Cement et la raffinerie peuvent bénéficier de l’important marché nigérian et ses potentiels 180 millions de consommateurs, ainsi que du vaste marché de la CEDEAO, où la facilitation au commerce se renforce de plus en plus chaque jour.