On le disait castré ! Mais, il faut le reconnaitre, le coup de reins du PMSD lundi le 19 décembre 2016, en dit autrement. Est-ce un coup de tête ou est-ce que les piques dominicaux de Josie ont fini par embrocher le coq, ou est-ce simplement que le PMSD a retrouvé ses couilles ?
Pourtant au début de décembre, à lire et entendre les différents protagonistes du parti, rien ne présager un départ aussi brusque. Dans l’entretien accordé à notre confrère ENJEUX le 8 décembre 2016, Ramalingum Maistry, le président du PMSD, s’adonne à un léchage, dont il a le secret. Dans un article publié chez le defimedia, le 14 décembre 2016, Mamade Khodabaccus, secrétaire générale des bleus affirme « Il ne fait pas l’ombre d’un doute que le leader historique du PMSD aurait accepté ce projet de loi (Ndlr : Prosecution Commission) sans hésitation ». Les deux compères influents du bureau politique du PMSD ont appris l’imminence d’une démission collective que lors du dîner annuel du parti.
Fort tard dans la nuit du dimanche 18 décembre 2016, la rédaction de Capital apprend que des consignes ont été données aux nominés politiques, ainsi qu’aux conseillers municipaux, de se tenir prêt pour un coup d’éclat. Nos sources nous confirment que Xavier-Luc Duval a insisté qu’il respectera le choix de ceux qui voudront restés. Calme et la tête bien sur les épaules, loin de cet image de fêtard, Xavier-Luc Duval maitrisait bien son agenda. Alors que la raison officielle avancée serait la non adhésion du PMSD au grand dessein machiavélique de ses partenaires, pouvant engendrer une dérive totalitaire, il se trouve que l’obsolescence était programmée depuis deux ans déjà. Le besoin de maintenir le secret se justifie par la surveillance accrue dont fait l’objet l’état-major du PMSD. C’est justement, en partie, cette paranoïa qu’a dénoncé Xavier-Luc Duval, lors de sa conférence de presse vendredi dernier.
Le mur d’Hadrien
Le 6 juin 2014, coincé entre le PTR et le MMM, le PMSD revivait les séquelles de 1995. Poussé vers la porte du sorti, le hardcore du parti, composé principalement des membres de la famille Duval, comprenait la pertinence de reconstruire le parti. Contrairement à son père Sir Gaetan Duval, Xavier-Luc Duval se retrouve avec une famille unie et deux fils appartenant à une génération tout à fait différente. Héritant de cette fougue de leur grand-père, Alexandre et Adrien ont toutefois des caractéristiques diamétralement opposés, mais complémentaires en politique. Leur présence a permis au rajeunissement du parti et l’adhésion de nouveaux venus. Depuis la victoire de décembre 2014, le PMSD a été en campagne permanente, multipliant les rencontres, établissant des structures nouvelles et déléguant des responsabilités aux autres jeunes du parti. Le clan Duval a bien compris que la lune de miel avec ses partenaires, historiquement et culturellement incompatible, n’allait pas durer éternellement. Au début de 2015, ce sont les fils qui ressentaient en premier les malaises de cette cohabitation au sein de l’Alliance Lepep. Au mois de mai 2015, exaspéré par les agissements de certains dirigeants de l’alliance, un des fils confiait à ses amis qu’il voulait claquait la porte. Pour le leader, il était trop tôt et il ne fallait pas brusquer les choses. Pour consolider le parti, il fallait à tout prix puiser dans l’abreuvoir du pouvoir. Comme les autres partis, le socle du PMSD est construit autour d’un clientélisme et il fallait satisfaire le plus de monde possible. Pour les jeunes Duval il était impératif de créer un mur pour protéger le leader et le parti. Le but était de contenir l’impopularité grandissante du gouvernement et de l’empêcher de ternir l’image fraichement galvanisée du PMSD.
Les graines de la discorde
Les premières traces remontent à novembre 2014, en pleine campagne électorale. Ne pouvant digérer les « enfantillages » de ses deux colistiers, le leader du PMSD avait préféré faire cavalier seul dans la circonscription de Belle Rose-Quatre Bornes. Fraichement élus, les membres de l’alliance se livrent à une guerre sournoise concernant les nominations de leurs poulains. Ensuite on aura droit à des tirs croisés entre les présidents des conseils et les CEO nominés au sein de plusieurs institutions. Xavier-Luc Duval a beau dire qu’en politique, il n’y a pas d’ami, mais il fut le premier à téléphoner à Navin Ramgoolam après la proclamation des résultats en décembre 2014. Il fut aussi le seul à exprimer son mécontentement sur le traitement accordé à Navin Ramgoolam lors de son arrestation en février 2015. Durant la première semaine d’avril 2015, Xavier-Luc Duval était parmi l’infime minorité qui avait mis en garde le gouvernement sur les dangers d’une expropriation de la BAI. En privé, les membres du PMSD critiquaient les agissements de Roshi Badhain. La répartition des tickets lors des élections municipales allait corser une situation déjà précaire. Sans compter les dotations budgétaires aux ministères dirigés par les membres du PMSD, qu’on qualifiait de maigre. Jusque-là c’était quand même gérable. Mais, pour le clan Duval ainsi que leurs proches du secteur privé, c’était inconcevable que l’objectif du gouvernement durant les deux années écoulées se résume à faire de Pravind Jugnauth, Premier ministre. L’effet cumulatif d’une économie en panne, la multiplication des guerres intestines, la vague d’arrestation sur la base des charges provisoires, des déclarations « irresponsables » de SAJ à l’encontre des pays amis, les frasques de Soodhun, des projets fantomatiques tels que le Heritage City, les coups bas de l’entourage de Pravind Jugnauth à l’encontre des bleus, cette propagande permanente autour d’une tête-à-tête Xavier-Navin, la traitrise des membres du MSM qui refilaient des questions parlementaires à l’opposition ont fait du brèche existante, une fossé abyssale.
Lors des rencontres hebdomadaires avec leurs mandants, certains bleus disaient ouvertement que les recrutements au sein de la fonction publique et les institutions publiques étaient réservés qu’aux partisans du MSM, surtout ceux issus de la circonscription de Pravind Jugnauth. Le licenciement arbitraire de Megh Pillay, que Xavier-Luc Duval devait répondre à contrecœur au Parlement ainsi que l’empressement pour amender la constitution dans l’unique but de neutraliser le DPP, sont les coups qui réveilleront le coq. Dans le giron des bleus on affirme que SAJ avait prévu d’éjecter le PMSD, après la mise en place de la Prosecution Commission. Voilà ce qui justifierait cette démission collective.
Le poids du Coq
Le PMSD est connu comme un parti qu’on qualifie de « droite » avec un agenda subtilement nuancé. Avec une solidarité pro-patronale, le parti bleu a su, au fil du temps, répondre aux aspirations des prolétaires d’une certaine communauté. On s’accorderait même à dire que servir ce genre de clientélisme contribue à dégager une stabilité, qui est primordiale pour le monde des affaires. La complicité du secteur privé « traditionnel » avec le PMSD est légendaire. Avant de rendre son tablier, le leader du PMSD s’est avant tout assuré du soutien de ses bailleurs de fonds. D’ailleurs les déclarations fracassantes de certaines grosses pointures du privé en disent longs sur leurs motivations.
Selon le sondage commandité par nos confrères de la Rue des Oursins, le PMSD ne recueille que 5,10 % des intentions de votes. A en croire le professeur Aaron Levenstein « Les statistiques, c’est comme le bikini. Ce qu’elles révèlent est suggestif. Ce qu’elles dissimulent est essentiel ». Alors que historiquement le PMSD est reconnu pour détenir des assisses en zones urbaines dominées par des cités ouvrières, en analysant soigneusement le profil des électeurs ainsi que leur comportement lors des dernières législatives, on découvre l’émergence d’une nouvelle force non répertoriée. De par sa proximité avec les dirigeants de la Fédération des Eglises Chrétiennes, le clan Duval détient un appui qui lui donne des ailes. Cette communauté expansionniste dont les origines à Maurice remontent à 1978, cumule aujourd’hui plus de 280 000 membres. Composé à presque de 70 % des citoyens d’origine hindou éparpillés à travers l’ile, l’influence de cette communauté, dont la force réside dans son mouvement groupé, ne peut être sous-estimée. Elle a pesé lourd lors des dernières législatives et en sera encore plus percutante lors de la prochaine joute électorale. Avec des cadres opérant dans divers sphères de l’activité économique et administrative, invisible à l’œil partisan et un réseau de vrai « pros de la Com », le coq a déjà ingurgité ses petites pilules bleues qui stimuleront ses couilles.