Exercice budgétaire, On vous a à l’œil

Le second budget (2016-2017) du gouvernement de l’alliance Lepep est très attendu par la population, de surcoît avec un nouveau ministre des Finances en l’occurrence Pravind Jugnauth. Mais le ‘miracle économique’ tant promis tarde à se matérialiser. Le peuple attend ainsi le bon sens du ministre des Finances

Budget 2016 – 2017

Un budget qui sera présenté dans une situation économique difficile synonyme d’inquiétude qui peine pas à décoller et atteindre cette quête d’un second souffle de « miracle économique » comme plébiscitée par le tandem SAJ / Lutchmeenaraidoo pendant la campagne électorale de 2014. Ce qui pousse le petit peuple maintenant à perdre confiance puisque ce « miracle » tant espéré semble se transformer en simple mirage. Prenons l’exemple de l’objectif de création d’emplois avec la vision 2030 du premier ministre présenté le samedi 22 aout 2015 – devant un parterre d’invités à la Cyber Tower d’Ebène composé de chefs d’entreprise, de décideurs, d’étudiants, de hauts fonctionnaires et de membres de la société civile – qui avait mis l’accent sur ce fameux « miracle »économique avec la création de 100,000 emplois d’ici fin 2019. C’est-à-dire, environ 25,000 emplois de plus chaque année. Nul besoin d’être un magicien (d’Oz) pour deviner que nous en sommes très loin du compte.

Atteindre le statut de pays à hauts revenus !

Qu’en est-il du nombre de licenciements, d’emplois précaires, incertains et surtout risqués qui augmente depuis l’année dernière pour un gouvernement qui souhaitait jeter les bases nécessaires afin que notre pays fasse le saut à revenus moyens élevés au statut de pays à hauts revenus ? Il est clair que la route à emprunter pour atteindre l’objectif (de USD 9300 par tête d’habitant à USD 12,736) sera sinueuse. Puisque si l’on se réfère à l’une des cinq caractéristiques définies dans le Mauritius Systematic Country Diagnostic – June 2015 (rapport publié par la Banque mondiale) pour atteindre un pays à hauts revenus, qui est le “capital humain formé aux nouvelles technologies et motivé”, il est indiqué que seulement 60 % de la population en âge de travailler est sur le marché du travail et qu’il faudrait atteindre le niveau de 67 % (c’est-à-dire 80,000 emplois additionnels) pour qu’il y ait un développement durable de l’économie mauricienne tout en améliorant la demande de travail (plus de cerveaux et de bras) ainsi que l’offre, c’est-à-dire plus de possibilités d’emploi. Eh oui ! Avec le contexte actuel, ceci pourrait paraître farfelu, n’est-ce pas ?

Villes intelligentes, économie bleue, hub régional… le gouvernement a fait preuve d’un sens certain de la formule sans avoir pensé aux moyens de ses ambitions, qui se chiffraient à plusieurs centaines de milliards de roupies

Reticence des entreprises à créer des emplois pour 2016

Et le comble c’est que le Mauritius Chamber of Commerce and Industry (MCCI) Business Confidence Indicator qui examine le climat des affaires et l’état d’esprit des chefs d’entreprises vient confirmer cette morosité en termes de perspectives d’embauche. Puisque seulement une minorité d’entrepreneurs – environ 15 % des sondés – affirment, peut-être, augmenter leurs effectifs dans les mois à venir pour des raisons de diversification et d’expansion de leurs activités alors que la grande majorité des sondés d’entrepreneurs ne vont pas embaucher en 2016 et qu’ils ne feront que remplacer ceux qui partiront à la retraite. Et près de 61 % de ces entrepreneurs vont maintenir le même niveau de dépenses d’investissement au cours des douze prochains mois par rapport à la même période de l’année dernière, « cela en raison d’une certaine fébrilité quant à l’évolution de la performance économique ».

Après 18 mois au pouvoir…

Le constat en ce mois de juin 2016 (18 mois après le fameux virus Viré Mam) est que la confiance des ménages est en berne et les entrepreneurs restent prudents. Le programme que sir Anerood Jugnauth avait dévoilé fin août 2015 n’a pas encore inversé la tendance. Ce qui relève une perception que le gouvernement navigue à vue, sans un plan précis. L’exemple le plus récent était le mercredi 20 avril 2016 lors de sa rencontre de 60 minutes avec les opérateurs économiques, à Ébène où le Premier ministre avait affirmé souhaiter une croissance économique tirée par des investissements productifs et non par la spéculation foncière remettant ainsi en question le concept des smart cities et autres technopoles annoncées en grande pompe l’année dernière par l’ex-grand argentier.

Qu’en est-il du nombre de licenciements, d’emplois précaires, incertains et surtout risqués qui augmente depuis l’année dernière pour un gouvernement qui souhaitait jeter les bases nécessaires afin que notre pays fasse le saut à revenus moyens élevés au statut de pays à hauts revenus ?

Rapport du FMI

Villes intelligentes, économie bleue, hub régional… le gouvernement a fait preuve d’un sens certain de la formule sans avoir pensé aux moyens de ses ambitions, qui se chiffraient à plusieurs centaines de milliards de roupies. Et voila que maintenant le Fonds monétaire International (FMI) vient jeter un pavé dans la mare avec son rapport de l’Executive Board Assessment sur les « Article IV consultations » qui prévoit une marge de 4 % de taux de croissance au maximum au lieu de 5 % (seuil générateur d’emploi et de « feel good factor ») jusqu’à la fin du mandat de ce gouvernement. Ce qui remet en perspective les « economic challenges ahead ».

Un peu d’honnêteté s’il vous plait

Le ministre des Finances sait qu’il est sur la corde raide, compte tenu du contexte économique local et international dans lequel il sera appelé à présenter ce second exercice budgétaire. Mais avec la dette qui s’envole, le chômage qui s’enkyste, les investissements direct étrangers qui affichent le plus mauvais chiffres depuis ces cinq dernières années avec la barre des Rs 10 milliards difficilement atteinte en 2015*, aura-t-il le bon sens de mettre une dose d’honnêteté dans son prochain discours budgétaire au lieu de faire des déclarations d’intention pour minimiser les cris ? Comme le disait Jean-Baptiste Colbert, « tout l’art d’un bon gouvernement consiste à plumer l’oie de façon à obtenir le maximum de plumes avec le minimum de cris ». Aurions-nous droit encore une fois aux contes des magiciens d’Oz? Attendons voir…

 

Alexandre Laridon, Conseiller en Stratégie et Marketing

Capital Media

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